1- Le Cri, 1894, huile sur toile, 83,5 × 66 cm. Musée Munch d’Oslo. Photo © Luisa Ricciarini/Leemage. © The Munch-Museum / The Munch-Ellingsen Group – ADAGP, Paris, 2013.
Cette version du tableau Le Cri est probablement la première version peinte par Edvard Munch en 1893 et la plus connue, elle a été réalisée avec de la tempera sur du carton, elle est visible à la National Gallery d’Oslo.
2- Le Cri, 1895, pastel, Crédits photo : Edvard Munch/AP. Celle ci fut peinte en 1895 au pastel sur du carton, c’est la plus colorée des 4 peintures et elle est actuellement en vente à Sotheby.
3- Le Cri, 1910, tempera et pastel sur carton, 91 x 73.5 cm, (C.) Nasjonalmuseet, photographie Børre Høstland. C’est ce tableau qui a été volé en 2004 du Much Museum d’Oslo et retrouvé plus tard, il date de 1910 et a été fait avec de la tempera.
4- Le Cri, 1893, crayon, Munch Museet Oslo. Cette 4eme version a été réalisée au crayon en 1893, elle est aussi visible à la National Gallery d’Oslo.
5- Le Cri, Lithographie, 1895:
Edvard Munch a réalisé cette lithographie en 1895 à Berlin, les impressions en sont assez rares la pierre ayant été détruite peu après.
ps : On pense souvent que le nom du tableau « Le cri » vient du personnage qui est en train de crier alors qu’en réalité il se bouche les oreilles pour se protéger d’un cri extérieur.
L'auteur et son courant artistique :
Edvard Munch (1863 – 1944) est un peintre et graveur norvégien, sans doute l’artiste le plus connu des pays scandinaves. Reconnu comme un des précurseurs de la peinture expressionniste et plus largement de l’art moderne, au même titre que Van Gogh ou Gauguin, il est connu mondialement pour son œuvre Le cri (Skrik en norvégien), qui a d’ailleurs été maintes fois reprise et détournée. Cette œuvre, peinte à la tempera sur carton, est en fait une version d’une série de 5 œuvres (trois peintures, un pastel et une lithographie) réalisées entre 1893 et 1917.
L'expressionnisme est un mouvement qui naît au début du XXe siècle, en Europe du Nord. Il représente la réalité de façon déformée et subjective pour susciter une réaction chez le public. Il sera ensuite condamné par le régime nazi.
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Analyse de l'’œuvre : détails à la loupe
Au premier plan, un homme se tient face à nous, les mains serrées contre son visage, il hurle.
- Que voit-il ?
- Est-ce nous ?
- Est-ce autre chose ?
Mais qui donc crie ? À la lumière des propres mots de Munch, on s’interroge sur l’origine du cri qui donne son titre au tableau. Contrairement à la première impression, qui veut que l’on pense que c’est bien le personnage au premier plan qui pousse le cri en question, ce dernier pourrait ne pas en être à l’origine, mais bien en être effrayé. Le fait qu’il se couvre les oreilles renforce bien entendu cette hypothèse.
Selon le journal, ce cri, « infini », serait bien fantasmagorique et lié à un sentiment éprouvé ce jour par Munch face à une nature impressionnante et dérangeante. Mais ce personnage effrayé, qui représenterait a priori l’artiste lui-même, est avant tout une représentation de sa propre angoisse existentielle, ainsi que de sa peur profonde de la mort.
Pour comprendre les œuvres de Munch, il est important de connaitre certains éléments de sa vie. Dès son plus jeune âge, il fut confronté à la maladie et à la mort – sa mère et une de ses sœurs furent emportées par la maladie alors qu’il n’était encore qu’un enfant.
La maladie poursuivit Munch toute sa vie, étant lui-même de faible constitution ; il eut ainsi toujours peur de la mort et fut sujet à de nombreux épisodes de dépression.
Son expressionnisme est ainsi marqué par la volonté de symboliser les émotions humaines – notamment l’angoisse et la douleur.
Le Cri fait d’ailleurs partie de la « Frise de la Vie » constituée par Munch lui-même, une série de tableaux qui forment une allégorie du déroulement de la vie, de la naissance à la mort.
On trouve certains éléments d’explication pour Le cri dans les quelques phrases relevées par les historiens dans son journal, en 1892 : ou Cité par le manuel de français 4e « Fleurs d'encre », Hachette, 2007
« Je me promenais sur un sentier avec deux amis — le soleil se couchait — tout d’un coup le ciel devint rouge sang. Je m’arrêtai, fatigué, et m’appuyai sur une clôture — il y avait du sang et des langues de feu au-dessus du fjord bleu-noir de la ville — mes amis continuèrent, et j’y restai, tremblant d’anxiété — je sentais un cri infini qui passait à travers l’univers et qui déchirait la nature. »
Les mots de Munch peuvent encore une fois expliquer ce ciel aux couleurs puissantes, peu communes dans l’œuvre d’un artiste plus porté sur l’utilisation de couleurs sombres.
« Tout d’un coup le ciel devint rouge sang » écrit-il.
Il y a 15 ans, des astrophysiciens américains ont avancé une explication qui serait tout simplement scientifique : le 27 août 1883, en Indonésie, un volcan nommé Krakatoa subit une des grosses éruptions jamais connues (provoquant notamment des tsunamis). Le bruit de l’éruption (au minimum 172 décibels) fut tellement puissant qu’il fut entendu à près de 4800 km à la ronde.
Des cendres volcaniques se déversèrent dans l’atmosphère, et se répandirent un peu partout dans le monde, notamment au Nord de l’Europe.
Elles furent ainsi à l’origine de couchers de soleil rougeoyants, dont Munch fut peut-être le témoin… Ce ciel apocalyptique déclencha probablement des émotions fortes chez lui, dont il se souvint dix ans plus tard en peignant le tableau. En outre, ces teintes rouges flamboyantes se prêtent bien à l’allégorie de la douleur utilisée ici.
L’œuvre:
On peut séparer la peinture en deux parties.
- La partie inférieure gauche montre des lignes droites, avec en arrière plan, sur la gauche, deux hommes. Cela pourrait être le monde réel, l'activité humaine, la civilisation
Alors que:
- La partie supérieure droite dessine des lignes tordues plus conformes à un monde surnaturel, inquiétant, inhumain...
- A l'arrière-plan, le ciel occupe la moitié haute de la toile, avec des couleurs chaudes (rouge, jaune, orange) qui évoquent le coucher ou le lever du soleil ; des formes ondulantes qui ne sont pas naturelles. Ces couleurs marquent un contraste fort avec celles de la mer (en bleu) et de la terre (en vert) mais offrent des formes sinueuses équivalentes, évoquant celles du personnage au premier plan.
Qu’en est-il de ce personnage, dépourvu de cheveux, au visage émacié, à peine humain ? L’historien de l’art Robert Rosemblum, spécialiste de la période, a avancé en 1978 une hypothèse intéressante à propos des inspirations de Munch pour créer ce personnage si particulier.
En 1889, Edvard Munch habite alors à Paris. La même année s’y tient justement l’Exposition Universelle : Munch aurait vu exposées, à cette occasion, des momies du peuple péruvien Chachapoya. Ces dernières présentent des similarités frappantes avec le personnage du Cri : position, couleur de la peau, traits… L’inspiration de ces mêmes momies se retrouvent d’ailleurs sur un personnage de l’œuvre
D’où venons-nous ?
Que sommes-nous ?
Où allons-nous ? de Paul Gauguin.
- Son visage se trouve au centre de la toile et doit attirer le regard du public. Il fait penser à une tête de mort, des orbites vides, une absence de cheveux, une couleur verdâtre et maladive. Son attitude donne son titre au tableau ; elle exprime un sentiment fort : la panique, l'épouvante. On constate que la cause de cette terreur demeure hors-champ et dans notre direction. A l'arrière : deux hommes ; à gauche : le cadre ; à droite : la balustrade. Le personnage n'a donc aucune échappatoire.
- La forme même de ce personnage n'a rien de réaliste. Elle peut faire penser à un simple tremblement ou à une l'allure d'un être fantomatique.
Et s'oppose presque en tout à celles des hommes derrière (forme droite, chapeaux, mais pas de détails du visage visibles).
- Le personnage principal s'appuie donc sur un support réel, rationnel, mais toutes ses expressions le mènent vers l'irrationnel et le fantastique.
- Vous pouvez compléter en consultant les articles SURNATUREL 1/4 : Le fantastique, un rêve éveillé ? et SURNATUREL 2/4 : Des personnages extraordinaires.
Cette œuvre exerce sur le public une sombre fascination. On ignore la raison de l'horreur qui s'exprime ainsi. La question demeure en suspens de même que l'univers fantastique littéraire reste enfermé dans l'hésitation, le doute, l'indécidable.
- Complément découvrez l'exposition en vidéo à Paris, en 1998.