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LA B D
Biographie
Marjane Satrapi est née en 1969 à Téhéran, en Iran, sous le régime du Shah, dans une famille aisée, cultivée, libérale, de militants communistes. Elle a vécu les bouleversements politiques des dernières décennies en Iran : fin du régime du Shah, révolution islamique, guerre Iran-Irak.
Elle grandit et étudie au lycée français de Téhéran, puis à 14 ans, ses parents l'envoient poursuivre ses études au lycée français de Vienne en Autriche pour fuir le régime dictatorial de l'ayatollah Khomeiny. De retour en Iran en 1988, elle s’inscrit aux Beaux-Arts de Téhéran. En 1994, par opposition au régime, elle s’installe en France où elle fait des études à l’École Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg pour devenir graphiste. Elle vit et travaille désormais à Paris.
Sa rencontre avec le dessinateur et scénariste David B. - un des représentants les plus importants de la Nouvelle Bande Dessinée française - est déterminante car il va l’influencer dans son travail. La jeune femme s’intéresse immédiatement au 9e art (la B.D.). David B. l’encourage à raconter sa vie et préfacera le premier album de la série Persepolis.
(*David B., de son vrai nom Pierre-François Beauchard est né le 9 février 1959 à Nîmes)
Parallèlement à cette récente passion, elle réalise des illustrations de livres pour enfants, des dessins pour les journaux, des fresques murales. Elle devient une auteure de bande dessinée à succès, outre Persepolis, dont le premier des quatre tomes paraît en 2001, elle a également publié Broderies (2003), un récit qui met en image le salon des Satrapi et les discussions amusantes, sérieuses et délicieuses des femmes qui prennent le thé ensemble (la grand-mère de Marji a, bel et bien, toujours le sens de la repartie).
Poulet aux Prunes (2004, Prix du meilleur album au festival d’Angoulême) rend hommage à Nasser Ali Khan, un joueur de tar (luth avec un long manche) qui se laisse mourir après la perte de son instrument à cordes pincées.
Avec Persepolis, Marjane Satrapi s’attelle à l’autobiographie. Écrire pour elle devient la seule façon de parler sans être interrompue, se plaît-elle à préciser. Elle raconte chronologiquement son enfance et son adolescence entre l'Iran et l'Europe, et témoigne des bouleversements historiques dont elle a été témoin avec ses yeux d'enfants, mais aussi avec son regard d'adulte. Elle confronte ainsi petite histoire et anecdotes de la vie familiale à la grande Histoire de son pays dans les années 80, à travers de petites saynètes de quelques planches. Elle rend ainsi universelle l’histoire de cette petite iranienne. Elle décrit avec le même humour les travers de la société occidentale nantie et le recul des droits individuels dans son pays natal.
Le succès est tel que l’adaptation au cinéma – un long métrage d'animation en noir et blanc en partenariat avec Vincent Paronnaud - s’impose. Il sortira en salle le 27 juin 2007 et sera projeté dans le cadre de la sélection officielle du Festival de Cannes. À cette occasion, la République islamique d'Iran s'est inquiétée de voir la sélection de ce film présentant ce qu'elle trouve être « un tableau irréel des conséquences et des réussites de la révolution islamique ». Le film recevra, malgré la polémique, le Prix du Jury du Festival et obtiendra un succès international couronné par deux Césars l'année suivante (ceux du meilleur premier film et de la meilleure adaptation) ainsi que par une nomination à l'Oscar 2008 du meilleur film d'animation.
En 2011, toujours en collaboration avec Vincent Parronaud, Marjane Satrapi adapte une autre de ses bandes dessinées : Poulet aux prunes.
LA BD
Persépolis (4 volumes traitant les années 1979 à 1994)
Particularité :Dessin en noir et blanc BD (publication 2000/2004).
Cinéma LE FILM (2007) (prix du jury au festival de Cannes)Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud.
Le noir et blanc reste une façon de mettre en valeur les expressions des personnages, d’encadrer les visages, de souligner leurs propos. Il n'y a pas d'ombres, pas de contrastes, la dessinatrice ne fonctionne que par aplats. L’épurement est maximal. L’absence de décors permet de rester au plus près (et les gros plans sont légion) de ce qui se chuchote, se dit, se vit. On trouve parfois des décors partiellement détaillés, ce qui laisse plus d'importance au texte. Voici ce qu’en dit Marjane Satrapi : « Dans la bande dessinée, contrairement à l’illustration, les dessins font partie de l’écriture. Ils ne viennent pas accompagner un texte déjà existant, les deux fonctionnent ensemble. (…) Je choisis le noir et blanc parce que mes histoires sont souvent très bavardes et si le dessin est lui aussi très bavard, cela peut devenir excessif. J’essaie d’obtenir une harmonie, je mise sur l’expression… »
Résumé des 4 Tomes de Persépolis la BD
Tome 1 (2000)
Nous sommes à la fin des années 1970, le roi iranien qui est au pouvoir utilise la force pour gouverner. Mais, le peuple réussit à le faire abdiquer. C’est alors que va se mettre en place la Révolution islamique et toutes les intolérances qui vont avec. Marjane Satrapi nous raconte tous ces événements à travers son regard de fillette à peine âgée de 10 ans.
Tome 2 (2001)
Marjane Satrapi entre tout juste dans l’adolescence quand, en Iran, se met en place le port obligatoire du foulard pour les femmes, l’interdiction du port de la cravate pour les hommes et une multitude d’interdictions que la jeune femme a du mal à comprendre et surtout à admettre. Vient également s’ajouter à cela la guerre entre l’Iran et l’Irak. Marjane doit au quotidien se cacher dans la cave à chaque alerte, fuir les bombes ...
Tome 3 (2002)
Alors que la guerre sévit toujours, les parents de Marjane l’envoient en Autriche afin que celle -ci fuie les atrocités de la guerre. Elle est d’abord hébergée chez une amie de sa mère, puis, chez des soeurs. Malgré une adaptation difficile, Marjane va commencer à s’ouvrir petit à petit à la culture occidentale : se maquiller, fumer ... est désormais devenu un quotidien pour elle. Mais, l’adolescente qu’est devenue Marjane va vite avoir de mauvaises fréquentations et sombrer dans le mauvais chemin ...
Tome 4 (2003)
Après quatre années passées en Autriche, Marjane retourne en Iran. Elle va mieux. Mais, même si la guerre est finie avec l’Irak, le pays n’a pas pour autant retrouvé sa joie de vivre. Les habitants sont d’ailleurs toujours privés de leurs libertés individuelles. Mais cela n’empêche pas Marjane de continuer à profiter de la vie ... !
CONTEXTE HISTORIQUE DE LA BD:
Le règne de Mohammad-Rezâ Pahlavi (né en 1919) commence durant la guerre en 1941, il devient roi prématurément sans y avoir été vraiment préparé à la suite de l’abdication de son père. En 1979, date à laquelle l'histoire de Persépolis débute, l’Iran est une monarchie constitutionnelle.
Le Shah (c’est le nom des rois en langue perse) célèbre son pays de manière grandiose, démesurée et la colère commence à gronder lorsqu’il s’agit des dépenses du souverain.
Des manifestations voient le jour, à partir de 1978, où se côtoient opposants laïques, marxistes et religieux. Ces manifestations sont réprimées par la force, le gouvernement iranien censure l’opposition et un couvre-feu est mis en place.
Mais suite à ces mouvements de révolte et manifestations, le Shah abdique et est contraint de s'exiler le 16 janvier 1979. L’armée se divise et l’ayatollah Khomeiny, chef religieux, prend le pouvoir le 1er avril 1979 avec plus de 98% des voix. Ainsi est instaurée la «République islamique», première république de l'Iran.
Le pays est en fête mais pour peu de temps. Le nouveau système politique repose sur l’islam chiite et surtout sur l’institution du gouvernement exercé par le Guide de la révolution islamique, en l’occurrence l’Imam Khomeiny qui concentre tous les pouvoirs.
Une des premières mesures fut de supprimer la mixité dans les écoles et les lieux publics et de contraindre, dès la fin de 1981, toutes les femmes à porter en public des vêtements conformes au nouvel ordre moral islamique.
Le nouveau système culturel et politique valorise la discrétion et la modestie en chaque chose, rejetant comme suspect ce qui est ostentatoire, luxueux, ou simplement moderne et occidental.
Le régime de Khomeiny fait finalement plus de prisonniers politiques que celui du Shah.
L’Irak de Saddam Hussein déclare la guerre à l’Iran en septembre 1980.
L’histoire de Persépolis commence en 1979, peu avant la Révolution islamique iranienne.
La protagoniste principale, Marjane, est une petite fille de huit ans, issue d’une famille à tendance progressiste. Nous sommes le 11 février, le Shah vient d'être renversé et l'Iran est en effervescence. Les choses prennent cependant une tournure inattendue, la foule n'est plus si libre qu'elle le croit... Alors que ses parents manifestent dans les rues contre l'arrivée au pouvoir des islamistes, Marjane évolue dans un univers très politisé et militant. Elle a dix ans lorsque le port du foulard devient obligatoire à l’école, en 1980, et cette nouveauté n'est pas sans éveiller chez elle de nombreux questionnements…Ainsi,en moins de trois ans de révolution, la culture populaire islamique, recomposée par le courant islamiste, a submergé l’Iran et a transformé profondément l’existence quotidienne des Iraniens, en particulier celle des femmes des classes moyennes qui s’étaient pourtant trouvées à l’origine des protestations contre le Shah. Les contrôles incessants imposaient l’ordre moral islamique tant dans la vie privée que publique. Les fermetures des universités laissaient sans avenir des centaines de milliers de jeunes, à qui on ne proposait d’autres perspectives que de mourir en martyrs sur le front et d’abandonner les réjouissances terrestres pour embrasser le « chiisme mortifère ». Les pénuries, le déchirement des familles touchées par la répression ou la guerre avaient fait de l’Iran un pays dur à vivre. A tout cela s’ajoutèrent les désillusions de ceux qui avaient mis trop d’espoir dans la révolution de 1978 et un sentiment de désarroi devant ce nouvel Iran à la fois populaire, islamique, morbide, hostile et dynamique.
La guerre décida des milliers de jeunes à quitter un État dans lequel ils ne voyaient plus leur place. Les plus fortunés ou les plus chanceux affluèrent en Europe ou aux Etats-Unis, alors que des dizaines de milliers, fuyant clandestinement à pied par le Kurdistan ou le Baloutchistan, restèrent en Turquie ou en Inde pour y effectuer leurs études ou pour, simplement, survivre. Cet exode d’un million et demi de cadres et de jeunes des classes moyennes et supérieures désorganisa durablement le pays, mais ouvrit de nouvelles possibilités à ceux qui demeurèrent sur place.
Un peu d'histoire pour comprendre LA BANDE DESSINE (BD) ...
Pendant l'enfance de Marjane :
Le shah.
Lorsque Marjane est petite, en Iran, règne le shah (monarque) d'Iran (Mohammed Reza Pahlévi). Comme son père, ce dirigeant est progressiste : il alphabétise la population, prend en compte les femmes, souhaite une révolution culturelle et industrielle. Mais son régime est très autoritaire et fait naître des contestations. La police torture et assassine les opposants (c'est le cas pour le personnage de Siamak le journaliste Ami de la famille, Le 8 septembre 1978 (vendredi noir) une manifestation est violemment réprimée par l'armée du shah qui fait intervenir les chars.
Le shah finit cependant par abdiquer. Nous sommes en 1979. Marjane a dix ans. Le pays est en fête.
Les religieux.
Mais rapidement ce sont les religieux islamistes qui vont s'imposer avec leur milice, les gardiens de la révolution.
L'Iran devient une république islamique en 1979. Leur chef est l'ayatollah Khomeiny. Au départ, le peuple est soulagé d'être débarrassé du régime du Shah, mais rapidement, ce nouveau régime se révèle tyrannique et pire que le précédent. C'est ce que l'on voit dans le parcours d'Anouche, l'oncle de Marjane qui est emprisonné. Assez rapidement et brusquement, des mesures sont prises : les femmes doivent porter le voile, tout ce qui renvoie à la culture de l'occident est interdit (musique, baskets...), les écoles ne sont plus mixtes. Ce régime fait encore plus de prisonniers que le précédent.
L'adolescence de Marjane :
La guerre.
A partir de 1980, une guerre va opposer l'Iran et l'Irak dirigé par Saddam Hussein. Le pays va subir des bombardements, des privations et dans le même temps, le régime islamiste va se durcir, fermant les universités... Il n'y a plus d'avenir pour les jeunes. Marjane va partir en Autriche en 1984. Elle reviendra à la fin de la guerre en 88, mais elle ne supportera pas le régime islamiste qui domine et est encore présent aujourd'hui.
Trois étapes d’une vie
Épisode 1 : souvenirs d’enfance (deux planches à analyser).
Le foulard
Contexte :
- Jusqu’alors, l’école était laïque et mixte. Mais, en 1980, lorsque Marjane a dix ans, il devient obligatoire pour les femmes et les filles de sortir couvertes du voile et de le porter à l’école ; le foulard est un élément déterminant dans la B.D., il est pour Marjane l’un des symboles de la révolution culturelle iranienne. De même, à partir de cette époque, filles et garçons ne cohabiteront désormais plus.
Composition :
- Ce thème du foulard est si important qu’il forme la première séquence du tome 1 de Persépolis (d’autres chapitres porteront ce nom dans les autres tomes, prouvant ainsi l’importance de ce vêtement).
- 12 vignettes en noir et blanc, de formats variés, composent les deux premières planches de la B.D. La vignette 12 ressemblant fortement à la vignette 1, elle permet de clôturer la séquence. Les 10 vignettes qui se situent entre les deux constituent une explication que Marjane tente de nous apporter, par le biais du retour en arrière, sur les changements imposés par la révolution culturelle. On peut noter la présence de nombreux cartouches nécessaires à notre compréhension. Petite histoire et grande Histoire sont ici mêlées.
Dénonciations par l’humour :
- Du côté des enfants (fond des vignettes blanc):
Marjane prend parti, et afin de souligner l’absurdité du port du voile, imposé par l’arrivée des islamiques au pouvoir, et son incompréhension, elle montre, sur ces planches, avec beaucoup d’humour le détournement que les enfants savent en faire. Ainsi, dans le plan d’ensemble de la vignette n°5 (angle de vue : plongée menaçante), le foulard devient tour à tour harnais, corde à sauter, sac, instrument de torture ou à se faire peur, ou encore objet abandonné au milieu de la cour.
Ce foulard, qu’elles ont du mal à porter, ne change rien pour elles – même si on peut noter, par rapport à la vignette n°6, la disparition des garçons de leur espace de jeu : elles restent des enfants riant et ignorant tout du symbole avec lequel elles jouent et auquel elles font affront.
Cependant, la réalité rattrape vite ces fillettes. Les deux premières cases, en plan rapproché, suffisent pour dire le but du régime anonymise les femmes, de les rendre identiques, voire invisibles. Certes l’illustratrice tente de différencier ces petites filles par les regards, les quelques mèches de cheveux qui échappent du voile, de montrer l’identité de chacune ; mais la photo qui fait sortir du cadre l’héroïne de l’histoire laisse assez entendre la volonté de réduire au silence toute idée de rébellion.
- Du côté des adultes (fond des vignettes noir):
Si les enfants associent le foulard au jeu, il n’en va pas du tout de même du point de vue des adultes : leurs visages sont beaucoup plus fermés, leurs sourcils froncés.
On trouve dans le discours de l’homme politique, présenté en gros plan ou en très gros plan dans les vignettes 8, 9 et 10, les idées phares de cette révolution : rejet du capitalisme, de l’Amérique, de l’occident, symboles de décadence ; l’Iran entre dans une ère religieuse et tout le monde applaudit ces nouvelles idées, car le Shah a laissé place à un nouveau régime et que la nouveauté est en principe source d’espoir.
Ici, les premières mesures prises ne sont pas de bon augure : le foulard va, dès le début, susciter des réactions : ainsi la mère de Marjane, par exemple, se montrera hostile au port du foulard.
→ voir planche 2 en PDF
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